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...Pourquoi une nouvelle doctrine ?
II. L'ARDENTE OBLIGATION D'UNE RÉ-ÉCRITURE DE LA DOCTRINE SPORTIVE TRICOLORE.
Adoubé par Emmanuel MACRON dès son origine, le projet olympique de 'Paris 2024' est une satisfaction pour le Mouvement sportif. C'est aussi un test de sa capacité à entrer dans le XXIe siècle doté d'un 'héritage' protéiforme conséquent aux plans culturels, matériels, économique et organisationnels.
Trois domaines éminemment stratégiques sont concernés à l'horizon 2025 : Sociaux [répondre à la nouvelle demande sociale de sport], Financiers [s'adapter à la nouvelle économie du sport] et Technologiques [exploiter le numérique dédié au sport]. De ce triple point de vue, les enjeux liés à la fois au 'Sport qui se pratique' et au 'Sport qui se regarde' sont considérables. Il convient donc d'analyser la situation avec du recul et surtout en évitant toute polémique.
La simultanéité de ces deux phénomènes [satisfaction et enjeux] va toutefois mettre la France dans une situation complexe. Elle aborde en effet la période qui s'ouvre armée d'une doctrine sportive que l'on doit au Général De GAULLE.
Parfaitement adaptée au sport des années soixante, dotant le sport tricolore de moyens administratifs conformes aux ambitions de l'époque, introduisant des conditionnalités aux dotations en ressources humaines, matérielles et financières aujourd'hui dépassées, la Doctrine sportive gaullienne induisait une gouvernance de type régalien sur fond de 'Grandeur nationale'. Il s'agissait de construire l'image d'une France dynamique et moderne à partir des victoires internationales de ses athlètes.
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Aujourd'hui, la transformation du sport au plan social [nouvelle demande], financier [nouvelle économie] et managérial [nouvelles procédures numériques] implique de revenir sur le sacro-saint leadership de l'Etat, premier pilier de la doctrine ordonnée par le Général.
Les coupes sombres des aides directes via l'Agence Nationale du Sport (ANS) ainsi que la suppression rampante de nombreux emplois aidés, les deux conduisant à des réactions virulentes des acteurs sportifs régionaux et locaux, alimentent l'idée que le temps d'une remise en cause doctrinale est venu. L'enjeu pour Emmanuel MACRON sera d'éviter que le dossier des Jeux olympiques de Paris ne vienne alimenter une image déformée de président du 'Sport qui se regarde' - c'est-à-dire du sport des riches. Celle-ci s'esquisse actuellement chez les acteurs des terrains. Ceux, justement, dont l'abnégation et le dévouement ont permis depuis plus d'un demi-siècle la construction d'un sport d'État 'qui se pratique' voulue, portée et assumée politiquement par le Général De GAULLE.
Pour sortir de ce qui apparaît de plus en plus comme une impasse politique au regard, notamment, de la faiblesse de la Ministre actuelle résultant de son passage catastrophique à l'Education Nationale, il n'existe qu'une seule voie : l'écriture d'une nouvelle doctrine en phase avec l'évolution du sport mondial. Elle devra être un nouvel outil d'intégration de la dimension sociétale inédite qu'il revêt en 2024 et qui se concentre dans cette jolie formule que l'on doit à Denis MASSEGLIA [ex-Président de France Olympique, NDLR] : 'Le sport, c'est bien plus que du sport'. Un bon moyen de traduire sur le terrain la grande idée du CNOSF faisant du 'Sport qui se pratique' non pas une dépense publique mais un investissement national.
L'analyse de Denis MASSEGLIA, cliquez sur l'image.
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Le sport français en manque d'une doctrine moderne.
Il ne faut pas avoir peur des mots. Le sport tricolore entre dans une période historique. Rarement au cours de son histoire il n'aura rencontré une telle conjoncture favorable. Toutes les planètes s'alignent. Cela n'arrive en général qu'une fois par siècle.
Deux éléments principaux se conjuguent. Combinés, ils offrent des opportunités tout à fait inaccoutumées de développement du sport tant du point de vue social qu'économique et politique.
Toutes choses égales par ailleurs, le sport français se retrouve dans la même situation ultra favorable que celle qui fut la sienne au début des années 1960. Cette période fut pour lui extrêmement faste et particulièrement propice aux grandes décisions politiques. Celles qui donnent le tempo de l'histoire. C'est à cette époque, en effet, que de Gaulle entrepris de lui construire un destin. D'ici à 2030, nous allons nous trouver dans une situation étonnamment semblable.
En termes de comparaison avec les années soixante, le premier élément identifiable est bien sûr l'organisation des Jeux olympiques de Paris en 2024. Leur héritage constituera une multiplication d'objectifs qui focaliseront en même temps les ambitions, les énergies et les moyens du pays. Précisément comme il y a soixante ans avec les J.O. de Grenoble [1968] voulus, portés et promus par De Gaulle en personne.
Pour lire les grandes orientations doctrinales établies en 1964, cliquez sur l'image ci-dessous et accédez au document de synthèse réalisé par la Revue EP&S en 1966.
Dessin publié par Le Figaro au début des années soixante.
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Le second élément comparable est l'incroyable empreinte sociétale du sport. Dans les années soixante, le sport s'impose dans la société française. En dix ans, les fédérations sportives gagnent six millions de licenciés grâce, notamment, à la télévision qui se développe à très grande vitesse. Un chiffre énorme qui présente toutefois une caractéristique que l'on ne retrouve pas aujourd'hui : en termes de pratiques, les néo-licenciés des années 60 plébiscitent les disciplines olympiques. En 2024, les Français pratiquent le sport de manière très différente. Ils préfèrent d'autres modalités. Nous le verrons plus loin. Il n'en reste pas moins que l'engouement est là, massif, protéiforme et transgénérationnel. Les marques et enseignes spécialisées le constatent saisons après saisons. Dans ces conditions, lorsqu'elle était ministre, Laura FLESSEL a bien eu raison de tabler sur un nouvel étiage de plus trois millions de pratiquants au cours des années post-olympiques. Cette fois, par contre, ce ne sera pas la télévision mais le numérique qui jouera les entremetteurs. Pour autant, il ne faut pas cacher que l'objectif ne sera pas atteint sans un vaste plan de réhabilitation des infrastructures sportives [gymnases, piscines, stades, etc.]. Rénover ce type d'équipements lourds nécessitera la mise en oeuvre par l'Etat d'un véritable Plan décennal en faveur du patrimoine sportif urbain dans la mesure où plus de 40% des installations gérées par les communes tangente les 40 ans d'âge moyen. Sauf à subir rapidement de nombreuses déconvenues, il sera également indispensable de créer de nombreux clubs associatifs capables d'accueillir décemment, c'est-à-dire en leur offrant des services de qualité, les néo-pratiquants. A défaut, leurs engouements seront très éphémères. Une politique urbaine en faveur des équipements sportifs sera donc obligatoirement accompagnée d'une politique de formation, notamment de formation numérique, susceptible de multiplier les cadres salariés et bénévoles qui les animeront.
Le constat est simple : au regard du sport, le Général de Gaulle et Emmanuel Macron sont dans des situations sensiblement analogues. Concernant le premier, les historiens ne débattent plus pour savoir s'il fut, après Coubertin, l'un des deux Grands Hommes du sport tricolore. Le fait est acquis.
La question est donc la suivante : sommes-nous à la veille d'en identifier un troisième ?
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D'énormes précautions politiques.
En 1960, le Général ne s'engagea pas à la légère. En étant un peu trivial, nous dirions qu'il a très vite voulu savoir exactement où il mettait les pieds. Comme pour tous les grands hommes politiques au plus haut niveau de l'État, les ressorts profonds de l'écosystème sportif, c'est-à-dire ses structures sociales et économiques ainsi que ses données sociétales, démographiques et organisationnelles, lui étaient inconnues. Il estima donc indispensable de prendre d'énormes précautions en procédant à un état des lieux officiel pour dessiner ensuite, en toute connaissance de cause, une perspective politique.
Pour cela, il institua un organisme consultatif qui prit le nom de "Haut Comité des Sports". Celui-ci créa illico - et la chose n'est évidemment pas anodine ! - une "Commission de la Doctrine du Sport". Elle fut chargée de "définir la place que doit occuper le sport dans la vie de l'individu et de la nation, et déterminer les conditions permettant d'atteindre les objectifs ainsi dégagés" selon son président, le tennisman de Coupe Davis Jean BOROTRA.
Conscient que de tels objectifs ne pouvaient pas être réalisés avec les seuls acteurs du sport qui eurent tôt fait de produire une analyse bien trop convenue, Borotra intégra adroitement au sein de la Commission de la Doctrine des membres de la 'société civile non sportive' : députés, hauts-fonctionnaires, professeurs d'université, hauts gradés de l'armée, recteurs, inspecteurs généraux et enseignants du secondaire. En tout, deux cents personnes qui œuvrèrent d'arrache-pied durant 2 ans et pas moins de 100 séances de travail pour produire un document exceptionnel.
Tellement exceptionnel... qu'il est toujours en vigueur en 2024.
Mais ça, tout le monde l'ignore !!
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Il structure toujours la 'vision sportive française' sur la base de modalités [très] politiques d'organisation administrative et de gouvernance qui font de notre pays une exception en Europe. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer que jusqu‘à la constitution du gouvernement d'Edouard PHILIPPE le 15 mai 2017, durant des décennies les ministères en charge des Sports se voyaient régulièrement attribuer une prérogative 'Jeunesse' supplémentaire. Une tradition validée officiellement par la doctrine gaullienne. L'administration de la 'Jeunesse et des Sports' se consacra donc fort logiquement à cette population spécifique jusqu'en 2017 alors même que depuis une trentaine d'année le sport est majoritairement pratiqué en France par des adultes.
D'autre part, si Laura FLESSEL, première Ministre des Sports du Président Macron, était titulaire d'un Ministère des Sports à part entière, chacun sait qu'aujourd'hui le concept ne veut plus dire grand chose au point que la Ministre Oudéa-Castéra se voit dotée en parallèle d'un Ministère des Jeux olympiques. Dès lors que l'on s'attache à étudier la pratique politique relative au sport proprement dite, on est donc un peu perdu.
D'autre part, les notions de compétition, de règle, de discipline et d'arbitrage qui définissent précisément le sport sont en 2024 très largement rejetées par les pratiquants. Le nom du ministère actuel devrait donc en tenir compte de façon à disposer d'un autre intitulé. Ce qui n'est pas le cas pour la simple raison que la "Doctrine du Sport" de 1964 est toujours en vigueur.
L'analyse du document montre que c'est un travail titanesque qui fut alors réalisé par un 'Comité de rédaction de la Doctrine' composé de cinq très hautes personnalités officielles. Celles-ci soumirent régulièrement, durant deux longues années, leurs travaux de synthèse à la critique d'un 'Comité des Présidents' des dix Commissions officielles qui œuvraient en parallèle. Une organisation inédite, robuste, sérieuse, capable, innovante et d'une redoutable efficacité.
Elle produira un cadre politique officiel intitulé modestement "Essai de doctrine du sport". Il fut validé très officiellement le 23 décembre 1964.
Il restera 'd'actualité' durant les 60 années qui suivirent...
Document : Bibliothèque Nationale de France
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