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NUMÉRIQUE & "SPORT QUI SE REGARDE"
LE PAYSAGE SPORTIF AUDIOVISUEL MONDIAL
AU RISQUE DE L'OTT,
LA NOUVELLE DISRUPTION DIGITALE
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Historiquement, c'est en 2006, lors des Jeux olympiques d'hiver de Turin, que le numérique est apparu pour la première fois à grande échelle dans l'écosystème sportif mondial. L'épisode resta toutefois d'une portée limitée. A l'époque, un tiers seulement des opérateurs diffusèrent des images olympiques via l'Internet à large bande et la téléphonie mobile.
En 2018, une nouvelle étape sera franchie à l'occasion des J.O. d'hiver de PyeongChang (Corée du Sud). Les opérateurs testeront cette fois les prémices de la cinquième génération de technologie mobile (5G). Ce ne sera pourtant qu'un modeste préambule aux Jeux d'été de Tokyo [2020] et surtout aux JO d'hiver de Pékin [2022]. Ces derniers apparaissent déjà comme les futurs 1ers "vrais" Jeux olympiques numériques. Il sera en effet possible de les suivre en 5G "authentique". Ce qui va tout changer comme nous le verrons plus loin.
En quelques années [de 2000 à 2020], le business model olympique aura évolué du couple analogique sport-télévision vers un modèle digital totalement inconnu du monde du sport baptisé Over The Top [OTT]. Une anecdote montre à quel point ce modèle est mal maîtrisé : lors du match de Coupe de France Rennes-PSG, le 7 janvier 2018, Eurosport avait décidé de ne retransmettre la rencontre que via son "Player", c'est-à-dire hors de toutes formes de direct télévisuel comme c'est le cas habituellement. Le problème fut que l'accès à Eurosport-Player était facturé au minimum 5,99 €... au grand dam des fans qui se sont déchaînés sur Twitter. Une telle maladresse, due à l'inexpérience de l'exploitation commerciale du modèle OTT en France, devrait être évitée à l'avenir. Pour une raison simple : de grands acteurs du numérique comme les GAFAM [Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft] l'anticipent déjà. Ce qui va immédiatement professionnaliser l'approche des retransmissions sportives hors médias télévisés via l'OTT. Amazon, par exemple, déjà détentrice des droits du football allemand, souhaite faire une offre en 2018 pour un lot de la Premier League anglaise. L'objectif du géant du commerce en ligne consiste à trouver un moyen pour mieux fidéliser ses clients traditionnels. Il ne s'agit donc pas d'un intérêt particulier pour le football, mais d'une simple stratégie de fidélisation de sa clientèle historique via une offre "OTT-Sport". Reste que les moyens pharaoniques dont disposent Amazon vont brutalement troubler le jeu concurrentiel auquel étaient habitués les opérateurs télévisuels. Incontestablement, les grands gagnants de ce qui va rapidement devenir un jeu de dupes seront les ligues sportives professionnelles qui verront les Droits TV [pardon, les "Droits OTT"] exploser.
En France une start-up de streaming sportif fondée en 2015 baptisée On Rewind bouscule les leaders en proposant une solution technique capable d'enrichir le contenu de la diffusion des événements sportifs en mode OTT. Un cauchemar pour les détenteurs des droits et un enjeu stratégique majeur pour les acteurs du sport qui se regarde. Rachetée en 2017 par Euro Média Group [EMG], un important prestataire technique international dans le secteur de l'audiovisuel, la technologie conçue par On Rewind sera intégrée aux prestations de Netco Sports, filiale d'EMG, pour enrichir son offre. Or, Netco Sports compte déjà BeINSports, Fox Sports [qui est tombé le décembre 2017 dans le giron de Disney] ou encore Roland Garros parmi ses clients. Autant dire que la technologie d'enrichissement des contenus sportifs de la start-up française s'impose dans la cour des grands. Elle démontre ainsi la pertinence du business model sur lequel elle s'appuie. En améliorant la qualité et la richesse des contenus destinés aux fans de sport en situation de mobilité qui les exploitent majoritairement sur leurs smartphones et les partagent sur les réseaux sociaux, Euro Media Group surfe sur le nouveau marché du streaming sportif qui monte en puissance au détriment des prestataires télévisuels historiques.
Conscient du danger, pour éviter que la situation ne lui échappe, le Comité International Olympique [CIO] développe depuis peu une volonté nouvelle qui le conduira à devenir son propre diffuseur de contenus. Elle lui permettra d'intégrer de nouvelles formes de production et de diffusion des images olympiques. Dans une stratégie à long terme en phase d'élaboration, il suit en réalité une tendance mondiale qui se dessine dans d'autres secteurs comme le cinéma, par exemple. Dans ce domaine, le mouvement a récemment été lancé aux USA par Walt Disney qui récupérera en 2019 la majorité des droits que la multinationale de l'entertainment avait accordé à Netflix. Son objectif est simple : lancer son propre dispositif de streaming pour lui permettre de conserver l'exclusivité de la diffusion de ses films, séries et courts métrages.
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De leur côté, les leaders du streaming procèdent exactement à l'inverse. Netflix comme Amazon, par exemple, multiplient les investissements pour assurer leur propre production de contenus originaux en matière de films, documentaires et séries. Par contre, pour ce qui concerne les doits sportifs, ils n'en sont pas encore à racheter les producteurs d'événements comme la FIFA ou le CIO pour acquérir de l'autonomie... Mais cela viendra peut-être un jour. En France, l'annonce surprise de la création de Salto le 15 juin 2018 par les Groupes France Télévisions, M6 et TF1 semble relever du pari. Il faudra en effet à la nouvelle plateforme OTT française des moyens financiers considérables au regard de l'explosion des droits sportifs.
Ce mouvement concurrentiel antagoniste provient de la dégradation du marché des télévisions sportives à péage aux Etats-Unis au bénéfice des services en ligne dont, justement, Netflix est l'un des leaders.
• Nous formulons l'hypothèse que cette nouvelle donne va s'étendre au sport mondial en établissant un "cycle court" de production-diffusion des images. Une "chaîne de valeur digitale" totalement inédite de type OTT devrait donc voir le jour. Elle sera spécifique à l'économie du sport qui se regarde.
De manière étonnante, le groupe Disney jouera là aussi un rôle prépondérant en commercialisant son propre flux événementiel de streaming sportif. Il est en effet propriétaire de la chaîne ESPN, leader sur le marché US des retransmissions sportives télévisées. En perte de vitesse [moins 2,9 millions d'abonnés en 2016], ESPN a décidé de réagir en changeant purement et simplement de modèle économique. Elle se passera désormais des intermédiaires proposant des contenus de streaming sportif.
Comment ? En les produisant et en les diffusant elle-même sous le nom de ESPN-Plus !
Elle en a les moyens techniques car le groupe Disney est depuis peu actionnaire majoritaire d'une entreprise nommée BAMTech. Cette dernière a été spécialement créée par la Major League Baseball... justement pour lui permettre de produire ses propres séquences de matches de façon à les diffuser sans passer par les opérateurs TV traditionnels. Coût de l'opération pour Disney : 2,58 milliards de dollars sans compter le rachat de 22 chaînes sportives régionales américaines. Cela permet d'identifier le niveau pharaonique des enjeux financiers qui se profilent à l'horizon des 10 prochaines années sur le marché des contenus sportifs digitaux mondialisés.
En réalité, les efforts de Disney pour devenir le leader mondial du streaming [musique, cinéma et sport] se chiffrent en dizaine de milliards de dollars. L'offre que la multinationale de l'entertainment a lancé le 14 décembre 2017 aux actionnaires de l'empire Murdoch s'élève ainsi à 52,4 milliards. L'enjeu pour elle est simple : concurrencer Netflix et Amazon Prime sur le marché mondial de la vidéo à la demande. Le sport fait intégralement partie de sa stratégie. Dans ce domaine particulier, la nouvelle "brique" de Disney se nomme ESPN-Plus qui sera lancée en 2018. Elle proposera aux fans de "sport à la demande", une offre de streaming couvrant, à terme, les grands événements sportifs comme les Jeux olympiques ou le Mondial de football. Lorsqu'il a dévoilé en septembre 2017 qu'il allait s'employer à contrer Netflix, Bob Iger, le patron de Disney, a clairement annoncé la couleur en clamant : "ça va être énorme !". Pour l'instant, il tient ses promesses. Dans le domaine du sport, son objectif ultime semble bien être la transformation du concept d'entertainment en sportainment. Il dispose pour cela d'une carte maîtresse : le bouquet de chaînes payantes du Groupe Murdoch qui vient de tomber dans son escarcelle, en particulier Sky, Tata Sky [Inde] et Star [Asie]. Or, Sky détient les droits de la Premier League britannique qui intéresse au plus haut point les fans de foot de la future "Zone Économique Sportive Asie" [ZESA], incluant la Chine et l'Inde. Disney sera ainsi le premier opérateur à promouvoir ces droits en vidéo à la demande via sa future offre de streaming sportif propulsée par ESPN-Plus.
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La nouvelle donne se résume en une simple phrase : le "minerai source" qu'est devenu le sport à partir des années 1980 pour les chaînes à péage - créant dans la foulée le nouveau marché du "sport qui se regarde - sera bientôt exploité en direct par les principaux producteurs de contenus via le numérique.
Prenons un exemple européen : le cas spectaculaire du Real Madrid. Le club espagnol a décidé de maîtriser de A à Z sa stratégie de production et de vente de séquences événementielles diffusées en streaming. C'est un changement complet de modèle économique puisqu'il le fera non pas via les télévisions mais en profitant de la puissance de ses propres réseaux sociaux sportifs [r2s]. Ils représenteraient 500 millions de fans potentiels au niveau mondial selon certaines sources [100 millions rien que sur Facebook, c'est-à-dire sans compter le marché chinois]. L'objectif est clair : développer et maîtriser la chaîne de valeur issue de la monétisation des énormes flux additionnels de revenus que le club génère. Le Real devient ainsi officiellement une "machine numérique à cash" capable de construire, de produire et de diffuser des flux d'informations en streaming et en format story. C'est-à-dire en les éditorialisant en fonction de cibles identifiées. Ce dernier point est très important et justifierait d'ailleurs à lui seul la maîtrise de toute la chaîne de valeur audiovisuelle par le club. En effet, les pays du Moyen-Orient n'ayant pas les mêmes attentes que ceux du continent sud-américain, par exemple, il est obligatoire de géolocaliser les désirs et besoins d'informations des supporters de façon à les mettre en scène selon des scénarii spécifiques. La base méthodologique devient alors le storytelling mais via une stratégie marketing de type "glocal". C'est-à-dire une forme de compromis entre une volonté de globalisation de la scénarisation du club [le niveau global] tout en l'ajustant aux conditions et contraintes des marchés-cibles régionaux [le niveau local].
Reste qu'un danger pointe immédiatement : que le football ne soit plus le but du jeu mais un simple moyen de production de contenus et le club un simple medium de production de cash. N'ayant aucun état d'âme à ce sujet, les grands acteurs du numérique sont en embuscade. L'Unité sport-business (sic) de Microsoft a ainsi "signé" le Real pour que sa Xbox soit la "console officielle" des fans du club merengue.
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Ce mouvement vers l'autoproduction des séquences sportives et leur diffusion via Internet par les propriétaires de droits va se généraliser au niveau international pour tous les sports télégéniques qui deviendront alors des disciplines "webgéniques". C'est donc un quasi phénomène d'ubérisation des chaînes de télévision exploitant les événements sportifs [en France : principalement Canal+, BeIN Sports,...] qui se dessine. Certes, il ne s'agit encore que de "signaux faibles". Reste qu'ils se multiplient. Depuis les années 80, en achetant de plus en plus cher les droits sportifs télévisuels, les chaînes à péage étaient devenues les maîtres du jeu impliquant le sport et la télévision. Ce ne sera bientôt plus le cas. Un nouveau "ticket gagnant" sport et Internet prendra le relais. Le paysage sportif audiovisuel mondial s'en trouvera bouleversé.
Le responsable de cette mutation économique et technologique est facile à identifier : il s'agit d'un mode d'accès aux images de sport via Internet privilégié par des fans en situation de mobilité exploitant systématiquement un second écran. Selon Juno Cho, président de la Division mobile et communication de LG Electronics, "80% des possesseurs de smartphones regardent au moins une vidéo par semaine sur leur appareil. C'est l'une des fonctionnalités qui progresse le plus. Désormais, nous passons du storytelling au storyshowing". Une opinion qui résume bien le changement des comportements et des usages en matière de consommation d'images sportives via le numérique.
Nous annoncions déjà cette rupture majeure en 2006 sur la base des résultats de travaux de prospectives que nous avions réalisés à l'époque et que le journal Libération avait publiés [Lire]. Inutile de dire que nous avions alors rencontré un scepticisme bien compréhensible. Onze ans plus tard, nous y sommes.
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• Les caractèristiques des smartphones haut de gammes [Ci-dessous le V30 du Coréen LG] feront bouger les lignes du paysage sportif audiovisuel mondial.
Par rapport à 2006, une nouveauté majeure réside aujourd'hui dans les incroyables possibilités de capture et de diffusion des images par les possesseurs de smartphones, d'une part sur des bases technologiques très avancées et, d'autre part, en situation de complète autonomie. Pour les acheteurs et exploitants des droits sportifs, notamment les télévisions à péage, cela correspond à une forme de concurrence inédite qui sera largement dynamisée par les réseaux sociaux ou les sites pirates.
Prenons le cas du V30, le nouveau smartphone présenté par LG lors de l'IFA2017 [1er salon européen de l'électronique] fin août 2017. L'appareil est équipé d'un protocole technologique de "vidéographie cinématique" baptisé Cine Effect. Il permet d'intégrer 15 filtres différents en mode panoramique lors des captures vidéo. En cours de tournage, l'utilisateur peut zoomer progressivement sur une zone donnée tout en réglant la luminosité. Le V30 est doté de la technologie RAM [Receiver as a Mic] permettant de disposer d'une qualité d'enregistrement sonore de très haut niveau, notamment dans des environnements bruyants comme les stades. Mais ce n'est pas tout : un logiciel de montage vidéo qui a pour nom le Quick Video Editor permet de monter et d'éditer directement des vidéos sur le smartphone. Par ailleurs, le V30 est compatible avec la norme vidéo HDR10 adaptée à la réalité virtuelle. LG, le constructeur coréen de l'appareil, a également annoncé un partenariat avec la plateforme Daydream de Google ainsi qu'avec ARcore, un nouveau kit de développement en réalité augmentée. Enfin, Google Assistant est embarqué en fonctions dédiées et permettra ainsi d'activer automatiquement certains filtres en "modes sport".
Jamais dans l'histoire de la vidéo privée de telles fonctions ont été proposées sur un appareil permettant de surcroît de diffuser des données audiovisuelles en direct susceptibles d'être enrichies par des applications comme Vogo Sport. Ces éléments vont bousculer de façon notable toutes les habitudes des acteurs du secteur.
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Il apparaît que le marché des droits sportifs devra changer de modèle économique et que le numérique sera la nouvelle clé permettant d'y accéder. Le cas américain d'ESPN s'explique par beaucoup de choses, à commencer par le coût d'accès aux images de sport jugé prohibitif. En situation de quasi-monopole ESPN en a profité pour jouer les prix à la hausse. Selon le groupe de recherches économiques américain Leichtman [LRG], aux USA la moyenne annuelle d'abonnement aux chaînes sportives s'établit à 103 dollars par mois. C'est trop ! Résultat : les fans exploitent aujourd'hui toutes les nouvelles technologies numériques de diffusion en ligne - souvent piratée ! - pour tenter de gagner en prix. D'autant que se passer de l'offre des télévisions n'a jamais été aussi simple même si la qualité et la quantité ne sont pas encore au rendez-vous. Mais cela ne saurait tarder.
Concernant le piratage des images de sport, le danger pour les détenteurs de droits est bien réel à une échelle industrielle. Le groupe qatari BeIN Sports a ainsi été piraté par une chaîne sportive saoudienne. Pour se protéger, il a fait appel à une société canadienne [TMG, une société de lutte contre le pitatage informatique, ndlr] qui a développé une stratégie spécifique de défense contre ce qui apparaît comme un véritable fléau en Afrique du nord et dans les pays du Moyen-Orient. La technologie dévéloppée par TMG consiste à exploiter un dispositif quasi militaire de détection des comptes-abonnés qui réémettent les séquences de manière illégale. Ces derniers sont identifiés, bloqués immédiatement et fermés automatiquement. BeIn Media Group a obtenu le soutien des autorités sportives et a demandé aux pays régulièrement émetteurs de séquences piratées de prendre toutes les dispositions pour que cessent ces pratiques illégales... Avec des résultats peu probants jusqu'à présent.
Le tableau suivant montre l'étendue des possibilités actuelles.
TYPES DE SERVICE DE STREAMING |
PRODUCTEURS DE L'OFFRE |
Services de diffusion en ligne produit à la source |
Ligues sportives professionnelles |
Services de diffusion en ligne low cost |
Producteurs de contenus régionaux |
Services additionnels de diffusion en ligne |
Géants du numérique de types GAFAMs |
Services de diffusion en ligne pirates |
Hackers |
Le tableau suivant présente la synthèse générale de la problématique.
PROCESSUS-CLEF |
BUT-CIBLE |
Enjeu ? |
Communautés numériques internationales de fans de spectacles sportifs dématérialisés. |
Objectif ? |
Monétisation digitale des images de sport. |
Moyen ? |
Développement des réseaux sociaux sportifs [r2s] propres à chaque secteur géographique constitué d'une base identitaire et culturelle. |
Méthode ? |
Scénarisation en format story des contenus. |
Procédé ? |
Storytelling/Showtelling. |
Soit, plus simplement, la figure suivante.
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Dans ce processus en devenir, la difficulté sera la maîtrise complète de la chaîne de valeur. A une échéance proche [2025], la question est en effet de savoir qui commercialisera le sport en direct ? C'est-à-dire sans l'intermédiaire des opérateurs télévisuels acheteurs de droits comme c'est le cas depuis les années 1980. Par ailleurs, qui aura l'exclusivité des contenus sportifs ? Une certitude demeure : le boom de la diffusion digitale lié aux incroyables possibilités d'images enrichies offertes par la technologie 5G, combinée aux smartphones de nouvelle génération de type LG V30 ou iPhone X, vont transformer en profondeur le paysage sportif audiovisuel mondial conçu au 20ème siècle.
En fait, c'est la puissance financière absolument phénoménale des nouveaux acteurs en embuscade [principalement les GAFAMs] qui rend ces questions intéressantes. Le caractère coopératif des ajustements stratégiques dus à la convergence de leurs intérêts respectifs sera le principal moteur des transformations identifiables. Cela revient à dire que le processus enclenché est sans doute un phénomène irréductible.
Au cours de la décennie 2020, les propriétaires des droits comme le CIO, la FIFA, les ligues sportives nord-américaines, sans doute aussi la Ligue 1 française, produiront eux-mêmes leurs propres programmes et les diffuseront en cherchant à réduire au maximum les intermédiaires. Ils auront ainsi opérationnalisé le fameux "circuit court" théorisé par certains experts. Mais ce n'est pas pour autant que leur indépendance sera garantie. Si la création récente du premier maillon d'une "chaîne olympique" internationale est un événement qui n'est pas anodin car il s'inscrit dans ce mouvement disruptif de grande ampleur, il doit surtout être mis en perspective avec le nouveau ticket Intel-CIO récemment signé jusqu'en 2024. La question devient alors la suivante : qui du contenu ou de la technologie permettant sa diffusion deviendra le maillon fort de la chaîne de valeur ? L'intensification des relations commerciales développées par les GAFAMs avec les producteurs de contenus sportifs justifie une telle question. Or, les moyens financiers de premiers sont considérablement supérieurs à ceux des grands acteurs du sport [FIFA, CIO, ligues nord-américaines]. De là à ce qu'ils se les approprient, il n'y a qu'une foulée.
L'exemple du groupe Disney, devenu actionnaire majoritaire de la société BAMTech créée par la Major League Baseball américaine, pourrait ainsi n'être que le début d'un mouvement de très grande ampleur. Il redéfinira complètement le paysage sportif audiovisuel mondial.
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PARIS-2024 AU RISQUE DE LA DISRUPTION 5G
Étude du cas de la collaboration CIO-INTEL boostée par la 5G
En matière de paysage sportif audiovisuel mondial, certains stratèges estiment que nous sommes à la veille d'un authentique "tournant stratégique". Ils l'ont baptisé Over the top [OTT] ; c'est-à-dire "visionnage direct sur Internet". Il fera tellement bouger les lignes qu'il est indispensable de l'anticiper dès maintenant.
Ce sont les ambitions des GAFAMs dans le sport qui ont sonné le début de cette véritable disruption audiovisuelle. En 2017, toutes les cartes sont sur le point d'être rebattues : vidéo à la demande de type Netflix conçues en mode "story", images enrichies, réalité virtuelle, hologramme, etc., le tout disponible sans l'intermédiation des acteurs télévisés habituels, notamment les télévisions à péage, mais, par contre, en exploitant les nouveaux services proposés par les câblo-opérateurs. On identifie là à quel point c'est l'ensemble du paysage sportif audiovisuel qui mute à grande vitesse sous nos yeux. Dans le domaine strictement olympique, les nouvelles plateformes OTT du CIO [la chaîne olympique, ndlr], doivent être envisagées en parallèle avec la montée en puissance de la 5G au niveau mondial.
Le CIO prépare une véritable révolution numérique qui arrivera à maturité en 2030. De nouveaux canaux de diffusion et de nouvelles audiences cibles [millennials, par exemple] font actuellement l'objet d'études approfondies. L'objectif de l'instance olympique est de combattre la fragmentation de son propre marché en de multiples supports pilotés par de trop nombreux acteurs [GAFAMs, par exemple]. En réalité, nous assistons actuellement à une redistribution des rôles entre de nouveaux diffuseurs numériques et les médias sportifs traditionnels [presse écrite et télévision].
L'élément-clé des succès futurs sur le terrain olympique porte un nom : 5G.
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Tous les acteurs concernés, que ce soit les Etats ou les opérateurs privés, sont engagés dans une course effrénée pour maîtriser la nouvelle technologie 5G dont le caractère disruptif ne fait aucun doute. Les enjeux industriels sont colossaux rendant la concurrence particulièrement âpre. Ainsi le Japon, pays hôte des jeux d'été en 2020, ayant annoncé vouloir opérer à cette occasion un "test 5G olympique" à grande échelle, les Sud-Coréens, organisateurs des JO d'hiver 2018, ont décidé de lui griller la politesse. Une décision précipitée car, à son tour en 2022, lors des jeux d'hiver qu'elle organisera, la Chine fera étalage de son savoir-faire technologique en matière de déploiement d'une "5G olympique" qui sera alors devenue la norme. Pour Séoul qui vise le leadership mondial sur l'ensemble des technologies 5G grâce à son opérateur national Korea Telecom (KT), le calendrier était donc très court pour bénéficier de la visibilité offerte par les J.O. C'était 2018 ou rien même si, pour cela, il lui faudra exploiter une technologie peu aboutie qui ne sera pas une 5G "authentique".
En raison de leur audience, les Jeux sont devenus le passage obligé des pays qui se positionnent actuellement pour l'appropriation des futures normes et fréquences mondiales des systèmes 5G. La Corée-du-Sud, la Chine et le Japon sont sur les rangs. Nous observons qu'en quatre ans (2018-2022) le CIO leur aura confié l'organisation de trois olympiades : PyeongChang (2018), Tokyo (2020) et Pékin (2022). En matière de géo-économie olympique la stratégie est limpide. Elle montre que le CIO a bien identifié où se trouve son marché à l'horizon 2030 et, surtout, à partir de quelles technologies numériques il compte le séduire. Il devra pour cela repenser entièrement le modèle économique des Jeux. Ce programme de réformes se poursuivra sans faiblesse avec le choix de la ville hôte pour 2024. En réalité les Jeux de Paris ne seront pour le CIO qu'une simple étape dans le remodelage numérique des J.O. Il faut donc regarder la victoire d'Anne Hidalgo, dont l'épilogue aura lieu le 13 septembre, à l'aune de cette perspective qui sera extrêmement contraignante. Les marges de manœuvres des organisateurs parisiens seront nulles. Même si leur dossier de candidature ne fait pas état de la 5G, ils devront l'intégrer coûte que coûte. C'est-à-dire quel qu'en soit le prix. C'est à ce niveau que se situent des risques pharaoniques de débordements budgétaires.
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A l'horizon 2030, la stratégie du CIO est simple : il vise une monétisation optimum. Elle repose sur cinq paramètres majeurs.
• La volonté d'identifier de nouveaux publics-cibles.
• La volonté de construire ses propres canaux de diffusion.
• La volonté de suivre le marché en faisant évoluer le programme olympique.
• La volonté de conquérir une "zone olympique asiatique" à laquelle il faut rattacher l'Inde.
• La volonté de "numériser" les Jeux olympiques.
Ces critères se combinent. Organiser des "Jeux olympiques digitaux en mode 5G" c'est en effet la certitude de toucher les réseaux sociaux asiatiques et bientôt indiens - soit des centaines de millions de fans potentiels - parallèlement aux générations américaines et européennes des "digital natives". On comprend dès lors que la "numérisation des Jeux" sera la mission principale que le CIO confiera le 13 septembre prochain à Anne Hidalgo. Son président Thomas BACH ne le cache pas. Il a déclaré que la ville choisie pour 2024 devra construire une offre inédite permettant de "vivre la magie des JO de manière totalement nouvelle". Sous-entendu, totalement numérique. Or, cela représentera un surcoût très important car il faudra combiner techniquement et technologiquement toutes les contraintes de la 5G : densification des réseaux dans tous les sites olympiques, service homogène délivré à un grand nombre d'utilisateurs simultanés, transfert de données optimisé grâce à la "décongestion" numérique des stades et gymnases, très faible temps de latence, qualité d'image supérieure, fiabilité des connexions, l'ensemble permettant des prouesses comme la recomposition des épreuves olympiques en réalité virtuelle, augmentée ou encore sous forme d'hologrammes. Le tout à destination d'un fan en situation de mobilité permanente quelle que soit sa position géographique dans la zone olympique numérisée : ce que les nouveaux gourous du numériques ont baptisé la "Mobiquité" [mobilité + ubiquité].
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Entre 2018 et 2028 le processus de digitalisation des Jeux va s'accélérer. La capacité de diffuser de la vidéo à la demande exploitée sur des mobiles par un public jeune sera l'une des clés du succès. C'est en tout cas l'objectif premier du renouvellement de "l'offre olympique" [programme et modes de diffusion]. Les applications en "format story" développées par le CIO viendront en concurrence avec Snapchat, Facebook, Youtube, Twitter, Instagram... Tous sont dans les startingblocks car tous ont en mémoire de récents scores d'audience numérique surprenants. Lors des J.O. de Rio, par exemple, France Télévision réalisa avec Snapchat des scores de consommateurs d'images olympiques supérieurs à 70% auprès d'un public de moins de 24 ans. En outre, elle totalisa 87 millions de vidéos vues sur Facebook et 37 millions sur Youtube. La vidéo étant aujourd'hui considérée par tous les opérateurs comme un véritable asset de conquête, Rio sera une première qui marquera durablement les esprits.
C'est bien l'accès à cette nouvelle réalité numérique que le Comité International Olympique a programmé sur plusieurs olympiades. De ce point de vue, il considère que les Jeux d'hiver 2018 ne seront guère plus qu'un test en mode super "LTE-advanced" (4G+) très loin des possibilités de la 5G. Il permettra, certes, un accès à des données augmentées en ultra haute définition, voire en réalité virtuelle, le tout en très haut débit mais restera très éloigné des protocoles technologiques qu'exploiteront les japonais en 2020 et surtout les Chinois en 2022. Ceux-ci seront les premiers à proposer des Jeux olympiques en 5G authentique. Pour 2024, les avancées techniques et technologiques auront encore progressé entraînant des surcoûts explosifs. La conséquence sera immédiate : en matière d'équipement 5G de l'Ile de France des priorités seront obligatoirement établies pour des raisons financières en faveur des sites olympiques au détriment du reste de la région.
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Il ne faut surtout pas sous-estimer les difficultés techniques et les coûts liés aux "protocoles réseaux" utilisant les "ondes millimétriques" autour de 30Ghz (5G). Ils seront très élevés. Au point que la faisabilité d'un programme olympique parisien en 5G est problématique dans le contexte de maîtrise radicale du budget telle que l'affirment urbi et orbi Anne Hidalgo et Tony Estanguet. C'est moins la technologie 5G que les dépenses relatives à sa mise en œuvre qui poseront un problème. Déjà au niveau asiatique pour 2018, 2020 et 2022, tout le monde se doute que la facture sera tellement élevée que les opérateurs privés devront recourir aux aides financières des Etats sous la forme de contrat de type Digital 3P [Digital Private Public Partnership] courant sur une olympiade. En annonçant, lors du dernier Mobile World Congress de Barcelone, qu'ils seront les premiers à déployer une "5G olympique", les Sud-Coréens ont voulu devancer tout le monde. Ils y parviendront, certes, mais à quel prix !? Coût de l'opération : 1 milliard de dollars au bas mot. Le prix à payer pour que les Jeux olympiques de 2018 soient un vecteur de communication conforme aux exigences numériques du CIO. Pour mémoire, rappelons que la 5G n'est attendue que dans quelques grandes villes françaises à l'horizon 2020 et qu'il faudra patienter jusqu'en 2025 pour que toutes les zones urbaines européennes disposent d'une couverture ininterrompue. C'est dire les difficultés !
Au-delà de ce point déjà très complexe, Paris rencontrera une difficulté supplémentaire d'ordre administratif. Les Jeux olympiques relèveront en effet d'une "Zone d'initiative Publique". Celle-ci devrait donc normalement exclure les opérateurs privés (Orange, SFR-Altice, Bouygues, Free, Intel) pourtant porteurs des projets 5G. Au demeurant, on n'ose imaginer la complexité de la relation industrielle et commerciale entre les opérateurs français et Intel si les premiers doivent être sous le joug du second pour cause de sponsoring olympique.
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Pour Paris 2024, un autre paramètre demeure inconnu : l'impact financier de l'ensemble des protocoles technologiques de la 5G sur les équipements sportifs déjà construits. Ils devront évidemment être mis aux normes. Ce qui signifie qu'il faudra investir lourdement dans l'ensemble des hautes technologies numériques qui seront obligatoirement associées à la 5G pour réussir les Jeux de Paris : capture, traitement, diffusion et partage optimisé des images et du son, par exemple. A titre d'illustrations très partielles, il faudra multiplier les nouvelles antennes de type "small cells" seules capables d'éviter la saturation des sites à cause du trop grand nombre d'usages simultanés et changer tous les éclairages pour des dispositifs industriels LED. Ce dernier point sera exigé par le cahier des charges des opérateurs. Dans un autre domaine, la question des bandes de fréquence commune à tous les diffuseurs numériques olympiques n'est pas prête d'être résolue. Les fréquences sud-coréennes sont disponibles aux Etats-unis mais pas en Europe, par exemple. C'est d'ailleurs tout l'enjeu de la candidature de Los Angeles. En compétition industrielle frontale avec ses concurrents sud-coréens (Samsung) et chinois (Huawei), la Silicon Valley compte sur les jeux de 2028 pour marquer des points. De ce point de vue, l'hypothèse qu'elle aurait jugé 2024 trop proche en termes de capacité à définir des standards mondiaux communs pourrait expliquer sa préférence pour 2028. Le fait que l'Europe ne sera pas prête avant 2025 fut sans doute aussi un critère important de la récente stratégie californienne d'évitement de 2024. En réalité, la Silicon Valley a très probablement estimé que les Jeux de 2028 seront les premiers capables d'exploiter mondialement la 5G. Dans ces conditions, "Los Angeles 2028" est apparue comme une date stratégiquement idéale.
Les grandes manœuvres autour de la 5G sont donc engagées. Les Jeux font partie des stratégies numériques des Etats et des opérateurs à l'exception surprenante de tous les acteurs français [institutionnels, politiques, économiques et industriels] qui, bien que gagnants, n'en ont jamais fait état. C'est un étrange paradoxe.
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Pour sa part, Intel vient de rejoindre le programme The Olympic Partners (TOP) du CIO. La célèbre multinationale de la Silicon Valley compte bien s'imposer en faisant valoir via les Jeux son savoir-faire en matière de déploiement de services inédits, particulièrement onéreux à mettre en œuvre, combinant la 5G avec les nouvelles technologies (drones, réalité virtuelle, intelligence artificielle, images 360 degrés, 3D). Cela correspond précisément à la volonté de Thomas BACH. En lançant le 15 juillet 2017 la première Chaîne Olympique aux Etats-Unis - un partenariat entre le CIO, le comité olympique des USA et la chaîne américaine NBCUniversal - ce dernier a voulu offrir aux Jeux olympiques une plateforme digitale à vocation mondiale disponible en ligne sous iOS et Androïd. Un simple coup d'œil sur la chaîne olympique telle qu'elle se présente actuellement montre qu'elle cible des audiences différenciées mais stratégiquement complémentaires en produisant une grille de contenus spécifiques. Il s'agit clairement d'apporter de la valeur ajoutée répondant aux besoins des publics-cibles identifiés à l'horizon 2030.
Au final, ce sera un bon moyen de valoriser de futures vidéos "spectaculaires" selon l'expression de Gary Zenkel, le président de NBC Olympics. Elles exploiteront des bots [logiciels automatiques en interaction avec des serveurs, ndlr] en réalité augmentée via un second écran tout en répondant à des codes spécifiques déployés grâce à la 5G sous technologies Intel.
Le problème est que cette offre est en phase de construction, que son modèle économique est ignoré de tous, qu'elle repose sur des usages et modes de consommation des images inexplorés et, last but not least, que personne ne connaît son coût. La seule chose que l'on devine c'est qu'il faut s'attendre à des surprises. Bonnes ou mauvaises ? La réponse n'est pas écrite. Elle est à construire. En attendant, le 13 septembre 2017 Anne Hidalgo devra pourtant signer le contrat des Jeux olympiques de 2024 avec le CIO. Elle le fera d'une main forcément tremblante car elle sautera dans l'inconnu.